Souvenirs d’un voyage au Tibet

« l’Amour, Ô Govinda, doit tout dominer »

Nous avons eu la chance avec Jérôme de partir un mois en juin et juillet 2018 au Tibet. Quelques lignes pour partager ce voyage sous forme de vignettes, de cartes postales, exprimant des émotions, des sentiments d’où est exclue toute intention d’expliciter ce pays, ses coutumes...

Ce voyage a commencé au moment même de notre inscription en juillet 2017, presque un an avant le départ effectif. Nos motivations étaient multiples : la destination mythique qu’est le Kailash, le désir d’approfondir notre pratique méditative, la curiosité de découvrir le Tibet et  ses habitants, le challenge de vivre en groupe pendant presque un mois, l’attirance de l’altitude et la soif d’aller à la rencontre de soi-même.

Grâce au récit de voyage de Ma Ananda Mayi et à différentes lectures, ce voyage peu à peu devenait de plus en plus concret, commençait à cheminer en moi sans pour autant, au contraire d’autres voyages, susciter d’attentes particulières

J’utilise le « je » car je ne peux parler que de mon expérience, de mon ressenti et c’est un des premiers enseignements de ce voyage. Alors que nous faisions partie d’un groupe, et que les conditions de voyage impératives exigées par les autorités chinoises au Tibet nous imposaient de rester tout le groupe ensemble du début à la fin de la validité de notre visa, nous sommes absolument seuls, chacun avec sa propre quête intérieure. Cette apparente contradiction entre la dépendance au groupe et la responsabilité individuelle n’est qu’un des contrastes que ce voyage a mis en lumière.

Un autre de ces contrastes s’illustre  dans l’immensité des hauts plateaux tibétains, quasiment désertiques, où tout est encore plus grand, plus majestueux, plus sauvage et plus fort que tout ce que j’avais pu attendre, imaginer, rêver, où l’impression de liberté crée presque un sentiment d’ivresse et par la présence policière/militaire chinoise qui cherche/qui parvient à se manifester à chaque contrôle, dans chaque temple ou monastère, dans les rues des plus petits villages, police qui quadrille et règlemente ces espaces infinis. Et cela a été pour moi une mise en évidence du manque de liberté que nous imposent nos conditionnements, nos idées préconçues, notre peur de l’autre et de nous-même alors que nous avons la grande chance de vivre dans un pays libre. Cette prise de conscience m’a permis de ressentir profondément un des enseignements du Dalaï Lama : « Vous êtes maître de votre vie et qu’importe votre prison, vous en avez les clefs. »

Un autre paradoxe moins anecdotique qu’il n’y paraît, en tout cas pour une femme, est de ne pas avoir de miroir pendant plus d’une dizaine de jours. Être engagée dans une démarche à la rencontre de soi-même, libre de toute représentation offre la possibilité de laisser émerger/se manifester plus de vérité, d’authenticité.

Cette grandeur, cette majesté des paysages, des tibétains et du Kailash m’ont enseigné l’humilité, la simplicité. Au fur et à mesure que nous nous enfoncions et progressions en altitude dans le Tibet, les conditions de confort, elles, diminuaient jusqu’à devenir plus que sommaires pour ne pas dire inexistantes. Petit à petit, je me dépouillais des « pelures de l’oignon » (métaphore utilisée en méditation) pour aller vers plus de vérité, d’authenticité. Chaque pas effectué lors du kora autour du Mont Kailash est un effort. L’altitude (plus de 5000 m) nous décape, nous révèle nos limites mais aussi nos possibilités, souvent plus grandes que ce que l’on pensait. Ce kora est à la fois une leçon d’humilité et de dépassement de soi, mais ce dépassement de soi n’est possible que par l’acceptation de ses faiblesses et de ses fragilités. Il ne laisse pas de place aux faux-semblants.

Enfin, les temps de silence (souvent longs : depuis le petit déjeuner jusqu’après le déjeuner aussi souvent que possible) et les longues méditations ont vraiment été des moments très riches et très « parlants » car ces pauses imposées sont en fait comme les espaces entre deux mots, comme la ponctuation : ce qui permet au sens de la phrase, du texte de se révéler.

C’est cela qui m’a permis de vivre, d’expérimenter ce que je pressentais plus ou moins confusément, ce que j’avais entrevu au travers notamment de deux textes que je reconnais maintenant pour être des piliers de ma vision du monde, et de moi-même dans ce monde.

« Cet espace qui est à l’extérieur de l’homme, c’est le même qui est à l’intérieur ; et cet espace qui est à l’intérieur de l’homme est le même que celui qui est au dedans du cœur »

— Chandogya Upanishad XIII-7

Et les paroles de Siddharta à son ami Govinda, dans le roman d’Hermann Hesse, paroles qui ne sont pas un enseignement mais ce que Siddharta a finalement découvert comme étant sa vérité et son chemin « …l’Amour, ô Govinda, doit tout dominer. Analyser le monde, l’expliquer, le mépriser, cela peut être l’affaire des grands penseurs. Mais pour moi il n’y a qu’une chose qui importe, c’est de pouvoir l’aimer, de ne pas le mépriser, de ne le point haïr tout en ne me haïssant pas moi-même, de pouvoir unir dans mon amour, dans mon admiration et dans mon respect tous les êtres de la terre sans m’en exclure. »

 

Aliette Balladur

Un commentaire “Souvenirs d’un voyage au Tibet”

  • Sophie Dietrich

    dit :

    Toujours une joie de venir à Ayovie et votre site internet est formidable, bravo!
    Le yoga reste un des meilleurs moyens de se sentir au mieux dans la vie…

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