Humilité, adaptation, persévérance et lâcher prise sont aussi nécessaires sur un tapis de de yoga que lors d’une expatriation…
Il nous a été donné la chance de partir vivre à l’étranger, à Vienne, en Autriche.
A l’époque, je finissais ma formation de professeur de yoga à l’Efyse, auprès de Boris Tatzky j’avais achevé la formation de Micheline Flak pour le yoganidra, et je ne pensais pas que ce déménagement m’amènerait à explorer et à ressentir de manière si profonde les qualités fondamentales que requiert une vie en yoga et pourtant…
Lorsque l’on arrive dans une ville où personne ne vous attend et dans laquelle vous ne représentez rien : vous êtes une inconnue, sans liens familiaux, professionnels ou amicaux, sans statut social particulier : tout est à écrire, à inventer, à découvrir. Il faut se mettre dans une attitude d’accueil, être prêt à changer son point de vue, ses habitudes et en même temps quelle liberté ! En effet, au fil des ans, chacun de nous porte un poids, dont il s’est chargé, dont la vie le charge, et même si l’on souhaite déposer cette charge, il est difficile de le faire car d’une certaine manière ce poids donne un sentiment d’importance, d’utilité, d’être vivant et c’est hors de son environnement habituel, que l’on prend conscience qu’il est possible de déposer ce fardeau. La vie à l’étranger favorise cette déprise et permet de s’affranchir de certains conditionnements, bien sûr d’autres se mettent en place mais au moins cette expérience de déconditionnement ouvre de nouvelles perspectives.
Suivre des cours de yoga dans une autre langue, même si on la parle bien, conduit aussi à l’humilité et au lâcher-prise. Cela peut apparaître comme un paradoxe car au début on peut penser, et c’est vrai en partie, que l’on doit être plus attentif, garder les yeux ouverts et puis on se rend compte que l’on ne peut pas tout comprendre tout de suite, qu’il convient d’accepter de ne pas être le bon élève qui réussit tout mais qu’une compréhension plus profonde se produit quand les bases sont tranquillement posées et petit à petit un autre plan de compréhension de la pratique se révèle. Cette expérience m’a été très utile par la suite dans mon enseignement.
Nous avons ouvert en 2015 une école de yoga – Ayovie (Académie de Yoga Vienne). Les cours sont principalement donnés en français et en allemand. Beaucoup d’élèves sont de langues maternelles très variées, cette diversité m’amène à être encore plus attentive à chacun et à reformuler les indications données.
Suivant l’enseignement reçu de Boris Tatzky, basé sur la célèbre phrase de T. Krischnamarya « ce n’est pas l’élève qui doit s’adapter aux techniques du yoga, mais les techniques du yoga à chacun », dans les cours proposés tous les âges et niveaux se rencontrent, et une adaptation permanente est indispensable pour tenir compte des possibilités de chaque élève.
Enseigner à l’étranger est aussi une chance car Vienne est une grande capitale qui attire de nombreux expatriés ; et ces expatriés font eux aussi l’expérience d’être hors de leur milieu familier, ils sont plus ouverts au changement et beaucoup m’ont confié qu’ils n’avaient jamais imaginé commencer et surtout suivre avec régularité des cours de yoga. C’est ainsi que les cours en soirée accueillent un public masculin nombreux, ce qui est encore assez inhabituel sur les tapis de yoga.
Cette ouverture et cette curiosité des élèves est un encouragement à poursuivre notre propre formation, que ce soit par le biais de stages, séminaires, voyages, étude du sanskrit et des textes de la tradition du yoga.
Aliette Balladur, Vienne, décembre 2021